Je me suis toujours demandé s'il était possible de refaire le monde. Le rendre à mon goût, le rendre éternel. Mais rien n'est éternel. Chaque chose meurt ou mourra un jour ou l'autre. C'est comme ça. J'aurais tellement aimé pouvoir contrôler ma vie, la rendre parfaite selon moi. Mais on ne contrôle rien.

« J'entrai dans le cimetière. L'air était humide, oppressant. Déjà cet endroit n'était pas le lieu idéal. Mais ce jour-là, je pense que j'avais ma place ici. Je me stoppai quelques instants, pris d'un de ces horribles maux de tête que je ressentais depuis des mois. Rien d'agréable. Nauséeux, je fis quelques pas avant de me rasseoir. J'étais fatigué. J'en avais marre. J'avais maigri, mes côtes étaient saillissantes, ma résistance faible. Faible. Voilà un mot que je pouvais maudire. Je serrai les dents puis repris ma route. Je scrutai les tombes une à une, mais ce sourire sadique que j'arborais autrefois était absent. Et je compris. C'était du sérieux maintenant. Je me penchai de côté pour vomir de manière incontrôlable. Je déglutis, chassant ce goût si désagréable qui était présent depuis des mois dans ma gorge. Au bout de quelques minutes, j'arrivai à ce fameux endroit. Là où j'avais rencontré Alcarin pour la première fois. Je titubai et m'écroulai sur le sol, m'étendant sur le flanc et gémissant légèrement en même temps. J'étais glissant de sueur, ma respiration était sifflante. J'avais vu beaucoup de loups mourir dans ma vie. La mort était quelque chose de naturel, c'était normal. L'Emputeur ne m'avait pas menti. Les cancers ne trompent pas. Je n'avais prévenu personne, pas même Alcarin. Mais moi je savais. Aujourd'hui, il était trop tard pour appeler un Guérisseur. C'était la fin.

« Je n'eus même pas la force de me relever. Je restai là, couché sur le flanc, mourant. Je fermai les yeux. Mon coeur pouvait s'arrêter à chaque instant. Je le savais. C'était stressant. Apeurant. Je me mis pour la première fois à la place de tout ceux qui avaient quitté ce monde avant moi. C'était maintenant que je pouvais comprendre. Mais il n'est jamais trop tard, dit-on. Je voulais essayer de rester encore quelques instants, pour voir Alcarin et mes enfants, une dernière fois. Je m'en voulus d'avoir fait subir tout ça à Eärélith, le forçant à tuer pour qu'il comprenne. S'il m'en voulait, je comprendrais, car il n'est jamais trop tard. En quelques heures, tous les évènements, les rencontres de ma vie me revinrent en mémoire. Ah, Belethya, j'étais dégoûté de mourir avant elle, et je pense qu'elle s'en donnera à coeur joie. Tant pis. Maintenant je ne pouvais plus espérer, pas avec un put*in de cancer du sang. Je rouvris les yeux et souris. Au fond, la mort n'était pas quelque chose d'horrible n'est-ce pas ? Je souffrais, en silence.

« Je sentis une présence près de moi, et reconnus Eärélith. D'un geste de la queue, je lui ordonnai de ne pas approcher. Non, je ne voulais pas lui faire encore plus de peine qu'il allait en avoir. Qu'il garde un bon souvenir de moi, c'était suffisant. Je lui souris et le regardai dans les yeux, bienveillant. Mon coeur se serra soudainement, et je me recroquevillai. Je sentis mon champs de vision devenir flou, mes mouvements se ralentirent. La fin était si proche...