Etrange... [ Nightingale ]

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Étrange...

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

devait

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!

POEME DE BAUDELAIRE

Invité

Nightingale soupira. Comme tant d'autres, sans doute, elle tâchait de demeurer digne malgré l'hostilité évidente de ces terres libres et sauvages -superbes. Elle sentait le sol se dérober sous ses pattes engourdies par la fatigue, aux muscles rendus douloureux par l'effort, alors que les pierres roulaient sous ses griffes. La roche irrégulière griffait ses coussinets, mais elle était habituée à l'irritation, avec le sable. Certes, les grains de sable se sentaient moins, mais elle marchait pendant des heures et avait appris par l'expérience qu'ils puisaient dans ses forces avec subtilité et irritaient la peau dure de ses coussinets. A cela, il fallait ajouter les courbatures que le vent violent lui avaient données en fouettant son corps tendu, lors de la traversée du chemin de la brise folle. Une grimace lui échappa à l'évocation de ce souvenir : combien avaient perdu la vie, ces derniers jours, en voulant le franchir ? Elle se força à ne pas y penser et repoussa violemment ces pensées de son esprit, sans ménagement. Elle savait que, de toutes façons, elles reviendraient bientôt. Et puis, en plus de la fatigue du voyage, la jolie louve noire sentait le poids des responsabilités peser sur ses épaules. Epaules qui lui semblaient soudain si frêles... Jamais, sans doute, Nightingale n'avait autant douté. Oh, rien de bien alarmant : la Dominante avait la tête bien faite et les idées intelligentes. Elle savait toujours réagir. Elle ne doutait pas d'elle-même. Mais elle était anxieuse. La situation était, de toute évidence, très mauvaise. La meute était dispersée. Impossible d'effectuer un recensement. Surtout avec le climat de tension et de suspiscion qui s'était installé sur Wolf Angel... D'ailleurs, sauraient-ils un jour qui était à l'origine de cette tragédie ? Que devait-elle faire ? La louve y réfléchissait depuis des heures, attendant d'apercevoir la solution. Mais elle se cachait, cette fois-ci. Un instant, Nighty se demanda ce qu'aurait fait son père à sa place. Il était rare qu'elle se pose cette question : son père lui avait appris beaucoup de choses, mais elle était loin de calquer son comportement sur le sien, et encore moins de le prendre pour modèle. En tout cas, pour la plupart des choses. Celtiks avait été trop doux, trop indécis. Il n'avait pas osé agir, là était le problème. Il avait, tout comme ses parents avant lui, laissé les Sakarites tomber au second plan. Sa plus belle action fut sans doute le pacte d'alliance qu'il avait conclu avec Dreamcatcher. Mais il avait le coeur trop pur et il n'avait eu le cran d'entreprendre de grandes choses. Nightingale, elle, était ambitieuse. Elle voulait ce qu'il y avait de mieux pour la meute. Et, pour l'heure, il était nécessaire de regagner la confiance des Devils. Il fallait montrer au monde que les Sakarites étaient prêts à s'impliquer sérieusement dans cette guerre : on gagne la paix en gagnant la guerre... ou en perdant. Ce qui signifiait le massacre, ou l'esclavage. Hors de question.
La louve s'immobilisa. Elle venait de remarquer qu'elle n'était pas seule. Observant la silhouette devant elle, sur la pointe, elle esquissa un sourire. Jamais, sans doute, Nightingale n'avait été aussi heureuse de rencontrer quelqu'un, autrement que pour la réussite d'une stratégie politique.

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Bonjour Nighty'.

Invité

( N'inquiète, je ne me fixe pas sur une longueur donnée. )

La louve noire trouva un réconfort intense dans le regard tendre et pur de la jeune louve. Blue Down. Son amie. Sa protégée. Elle l'avait vu naître, alors qu'elle était elle-même encore jeune. Elle l'avait appréciée, l'avait aidée à grandir. Elle savait que Blue était une louve redoutable, une louve forte et juste. Mais c'était aussi une louve tendre et compréhensive, attentive. Une louve d'amour. C'était une force que la Dominante lui enviait, force qu'elle n'avait pas. Parfois, ses airs ingénus étaient destabilisants. Mais Nightingale, toujours plongée dans de tordues pensées, de savants calculs et de noirs complots, y trouvait un réconfort indescriptible. Elle se sentait soudain plus légère, plus vivante. Elle sentait ses côtes se soulever doucement au rythme de son souffle, elle sentait le sang battre tranquillement dans ses veines. Tous ces petits détails qui lui rappelaient qu'elle, elle, vivait. Pas que pour la meute : pour elle aussi.
Night' s'ébroua et parcourut en deux foulées souples la distance qui la séparait encore de son amie. Elle sourit en remarquant l'inspection attentive à laquelle elle était soumise, et répondit d'un ton amusé à la question qui n'était pas posée :

- Je vais bien. Juste fourbue. -

Elle donna un coup de langue affectueux à la jeune Sakarite, juste derrière l'oreille. L'odeur douce et fruitée de la louve lui chatouilla fortement la truffe et le sourire de l'Alpha s'élargit : elle aimait cette odeur. Certes, elle portait l'odeur du sable, du désert. Mais il y avait aussi... comme une senteur boisée. Oui, à chaque fois qu'elle s'approchait de son amie, c'est étrange, Nightingale voyait une forêt joyeuse, un sous-bois éclairé par quelques pans de lumières, des rais de soleil qui se faufilaient par endroits entre le feuillage des arbres. Et dans cette forêt, elle imaginait Blue Down en train de danser, comme un esprit de la forêt. Night' n'aurait su dire pourquoi, et elle le gardait pour elle. Mais depuis qu'elle connaissait la jeune louve, cette image ne l'avait jamais quittée. Elle s'était imposée à elle le jour de sa naissance, et demeurerait toujours gravée dans sa mémoire.

- Et toi, comment te sens-tu ? -

Elle jeta, de même, un coup d'oeil au corps solide de la femelle Beta, afin de s'assurer qu'il ne comportait pas de sérieuses blessures. Mais le vent ne laissait pas de traces : la douleur était intérieure, comme celle du coeur...

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