La louve au pelage d'un noir de jais fixait les alentours d'un oeil étrange. Elle ne craignait rien à cause de son grade, bien qu'elle sache se plier aux lois de la nature comme à celles de sa meute. Continuant de faire claquer ses griffes contre le sol toujours aussi froid, elle tomba nez à nez avec un loup, sa fourrure étant beaucoup plus claire que la sienne. S'arrêtant net à quelques mètres de lui. D'ailleurs, grâce à cette couleur d'ambre, elle put voir malgré la nuit et la brume, les muscles de son congénère se matérialiser sous sa chair. Réprimant autant un grognement qu'un quelconque signe qui pourrait provoquer le loup, elle se contenta de reste attentive, sa queue de louve légèrement arquée, prouvant qu'elle surveillait faits et gestes du mâle. Il était impressionnant, certes. Mais elle ne baisserait pas sa garde ou ne se soumettrait pas. D'une voix douce, presque mélodieuse, elle lui répondit sans perdre son calme.


Elle avait eu l'habitude de se présenter ainsi, alors que ses oreilles se dressaient sur sa tête comme deux tours. Finalement, c'est avec lenteur qu'elle se contenta de s'asseoir, ne manifestant aucune colère ou agressivité. Elle s'assurait ainsi qu'il ne veuille pas lui faire de mal, dans le cas contraire, elle attaquerait. Passant sa langue sur le devant de ses canines comme pour humidifier ses lèvres, elle ne le quitta pas des yeux, son regard argenté planté dans le sien alors qu'elle ressentait combien il était plus jeune qu'elle. Ses membres semblaient s'engourdir, comme si elle devenait une statue. Faut - il dire qu'elle aurait aimée être lovée contre un membre de sa meute pour pouvoir se réchauffer, mais pour le moment, elle était loin de ses propres terres. Sans perdre le ton mélodieux de sa voix, elle rétorqua.

La louve aux reflets de nuit se contenta uniquement de regarder son congénère. Pour une fois qu'elle pouvait être aussi calme, elle mettrait sûrement cela sur le fait qu'elle n'avait pas chassé depuis un certain temps et que la faim tiraillait son estomac ? Mais pour le moment ce dernier n'émettait pas un son d'indignation, rassurant. Elle irait sûrement chasser à l'aube, ainsi, cela dégourdirait ses pattes pour la journée, elle se reposerait plus tard lorsque le soleil serait à son zénith. Néanmoins, la jeune louve put enfin entendre le nom de ce cher loup : Artax. Un nom dur à l'entente à cause du " x " mais peut - être cachait - il quelque chose de tendre derrière cette carapace de dur à cuir ? Il était jeune, il n'avait pas encore beaucoup d'expériences, bien que la louve non plus. Elle restait cependant sur ses gardes, elle ne le connaissait pas et les réactions d'un canidé sont rapides, alors autant se méfier. Au loin, un hurlement retentit, mais il passait faiblement, comme un écho venu de loin. Encore plus surprise qu'il lui propose de venir se réchauffer contre lui, elle se releva lentement, les rayons lunaires glissant sur sa fourrure d'ébène. Repassant à nouveau sa langue sur ses canines, elle avança vers le jeune loup pour venir se blottir contre lui, la tête de la louve se glissant dans le cou de ce dernier. Elle n'était pas bien grande mais son pelage doux se colla lentement au sien, son corps étant tiède au lieu de chaud sous ses poils.


Il était même surprenant que le loup lui propose ainsi. Mais elle n'en profita pas. Contrairement aux louves, elle n'avait pas cette habitude de chercher les mâles à tout bout de champs, à les embêter jusqu'a que ce dernier devienne chèvre. Elle préférait rester parfaitement calme, fourrant son museau contre le poitrail d'Artax, ses paupières se fermant ainsi sans plus rien dire. Ainsi, au clair de lune, ils faisaient contraste, le loup étant d'une couleur clair et Funebre aussi sombre que les ténèbres.

Jetant un oeil au clair de lune, celle - ci semblait les narguer de pouvoir être aussi, de contempler la terre entière sans avoir le besoin de faire d'effort. Enfin, peut - être en faisait - elle ? Souvent, sa mère lui avait dit qu'ils étaient enfants des nuits de pleine lune, que lorsqu'ils hurlaient parfois, c'était pour adresser un compliment ou une mélodie à cet astre. Ce souvenir encore chaleureux de la louve la fit inconsciemment sourire avant qu'elle ne revienne à la réalité, son regard se reportant sur Artax. Il était tout de même un beau loup. Elle arrivait à se demander quel grade pouvait - il bien avoir, et de quelle meute était - il, ce n'était pas non plus inscrit sur son front, et elle n'avait pas rencontré tout le monde. Funebre savait néanmoins différencier ami d'ennemi et de neutre. Pour le moment, la question n'était pas là, elle était bien, c'est tout. Pour toute réponse à la question du loup, elle secoua son museau en guise de négation, lui offrant un sourire maladroit. Elle n'avait pas mangé non, et ce depuis hier. Puis elle l'écouta s'excuser sans mot dire. Il était vrai qu'Artax avait été agressif aux premiers abords, ou plutôt, la louve préférait croire qu'il l'avait testé pour savoir si elle - même n'allait pas l'attaquer. C'était une bonne excuse. Et, comme pour le pardonner, elle lui adressa un coup de langue sur la joue. Blottissant à nouveau son museau contre son cou, ressentant la chaleur de sa fourrure contre la sienne.
C'était tout de même agréable de sentir que quelqu'un était là pour elle, enfin, peu de personne s'offrait ainsi pour qu'elle se réchauffe. Se cageolant un peu plus contre lui en déposant finalement son menton sur l'épaule du loup, elle referma ses grands yeux argentés.

]La jeune louve ne s'inquiétait plus de rien à présent. La tension qu'il y avait eu aux premiers contacts avait totalement disparue, comme si cette dernière n'avait jamais existé. Il était tout de même très gentil pour un loup, et le coeur de Funebre s'en sentait comme réchauffé. Il n'y avait pas besoin d'amour ou d'amitié pour la satisfaire. Tant qu'elle se sentait bien.. Puis, finalement, quittant la douce chaleur protectrice de Artax, elle se coucha au sol, juste à ses côtés, le vent caressant à nouveau son pelage, elle se pressa légèrement contre le loup, abaissant ses oreilles en frissonnant. Pourquoi l'été ne pouvait - il pas revenir aussi vite qu'il s'en était allé ? Mais malgré le fait qu'elle se soit lovée ainsi contre Artax, le froid engourdissait ses pattes et caressait comme une plume son museau, la fraîcheur mordant comme des mâchoires de fer sa pauvre chair. Il fallait absolument qu'elle bouge, qu'elle quitte ces lieux, qu'elle court. Elle écouta la question du mâle d'une oreille distraite afin de répondre doucement.


L'impatience se fit et elle se releva promptement, collant à nouveau son museau contre son cou pour se réchauffer, son poitrail se pressant contre le sien. Il n'y avait aucune mauvaise intention dans ses gestes, elle avait réellement froid, et cela se fit sentir par de lèger grelottement de sa part. Elle ne s'était pas approchée ainsi d'un inconnu depuis des lustres, mais là c'était réellement pour sa santé et surtout, sa température corporelle. Relevant quelque peu sa patte pour la reposer au sol par la suite, frôlant celle d'Artax, elle lui demanda d'une voix douce, presque implorante.

La neige tombait drue, sans rien dire, sans rien proclamer, elle s'étendait hors des nuages pour s'étaler silencieusement sur l'herbe, la terre, les arbres et les rochers.. Il était néanmoins vrai qu'il devait rapidement trouver un abri, la tempête se préparait et l'atmosphère le faisait ressentir. Marchant tant bien que mal entre les ruines, restant confortablement collée contre Artax, Funebre chercha du regard un coin où ils pourraient passer la nuit. Le souffle court, sa respiration sortant de ses naseaux devenaient une buée qui s'élevait dans l'air pour se disperser par la suite. Pourquoi ne l'avait - elle pas attaqué ? Il y avait en vérité, tellement de réponse qu'elle pouvait lui apporter à cette question. Tout d'abord, lui - même ne l'avait pas fait, et politiquement parlant, ils n'étaient pas ennemi(e)s. Qui plus est, elle le trouvait formidablement doux et gentil. La gueule entrouverte, elle ressentit alors le coup de langue sur sa joue, la faisant frémir mais tout aussi rougir sous sa fourrure. Elle espérait qu'un jour, si ce n'était pas déjà fait, il trouve une gentille louve qui prendrait soin de lui. Après tout, elle ignorait totalement ce que Artax pouvait bien ressentir à son égard. Puis, dans leur rapprochement, il n'y avait pas l'ardeur corporelle, l'excitation d'un mâle et d'une femelle. Simplement une tendresse réciproque. Ce n'est que plus loin qu'elle pu voir des rochers entassés, laissant un large creux au milieu pour y loger au moins deux loups, bien qu'ils seraient un peu serrés. Sans répondre pour le moment, elle pénétra alors dans le renfoncement offert par la nature, se roulant en boule sur le sol en frissonnant encore un peu, son pelage mouillé par la neige. Elle répondit enfin.

Funebre put entendre d'innombrables soupires de la part d'Artax. Elle l'écouta, sans mot dire. Il ne comptait pas s'attacher à elle ? La louve n'étant pas d'un caractère très sensible, n'ayant même pas pleuré pour la mort de son propre frère, que voulez vous qu'elle dise si quelqu'un ne souhaite pas s'attacher à elle ? Ou peut - être était - ce les petites attentions qu'elle lui avait offerte qui ne lui avait pas plu ? Elle s'interrogea là - dessus, méditant sérieusement sans trouver de réponse. La louve déposa lentement sa tête sur ses pattes avant. L'atmosphère restait le même. Une autre femelle aurait sûrement criée même implorée Artax, mais Funebre avait toujours ce même calme déconcertant, comme si elle s'en fichait.. Non, comme si les mots du mâle ne touchait pas son coeur. La guerre, le sang, les tueries, tout avait atteins son cerveau de façon à ce qu'elle soit insensible. Alors elle opina la tête et répondit de ce ton neutre qui lui allait si bien.


Après tout, elle n'allait pas le supplier pour qu'il s'accroche à elle. Alors, silencieusement, elle regarda l'extérieur, qui plus est, allaient - ils se revoir ? C'était peu probable, faut - il encore dire que Wolf Angel est grand. Donc elle se recoucha sur le ventre, fermant ses grands yeux d'argent, se surprenant à penser à son passé. Lunak qui avait disparu, sa mère dont elle n'avait plus aucune nouvelle et son père qu'elle aurait bien dévoré. Finalement, peut - être n'était - ce pas si mal de ne pas avoir de sentiments propres..

Funebre écouta le récit avec attention. Il avait tout de même un certain courage pour dévoiler tout cela à la louve, qui plus est, était une Devil. Sans bouger, elle garda ses yeux clos afin de mieux imaginer, se mettre en condition comme on dit. La neige semblait correspondre parfaitement avec ce que racontait Artax, il semblait si triste que les larmes pouvaient presque transparaître dans sa voix. Jusqu'a la fin de son histoire, la louve resta immobile. Puis, elle se releva pour s'asseoir. Elle comprenait à présent pourquoi il ne tenait pas à s'accrocher à une quelconque femelle. Mais même, s'attacher à n'importe qui serait un danger pour lui, dans ce sens. Mais s'il restait dans cette vision horrible des choses, il en souffrirait plus encore de la solitude que de perdre un être cher. Alors elle se tourna vers lui et lapa ses paupières d'un coup de langue puis mordilla doucement son oreille sans paraître trop familière non plus. D'une voix d'une douceur étrange sans éprouver de pitié, elle lui rétorqua.


Elle avait un ton un peu maternel, comme si elle expliquait la vie à un nouveau né, mais elle ne voulait pas faire la morale à Artax mais plutôt lui prouver combien il était dans le tord. Si cela ne plaisait pas alors elle s'en irait, après tout elle n'était pas là pour donner des leçons. Mais ce loup était bien gentil et il lui avait donné l'envie de découvrir plus de monde, alors pourquoi est - ce qu'elle ne l'aiderait pas en retour ?

La fatigue engourdissait lentement les membres de la louve qui se recoucha doucement au sol, souriant lorsqu'il lui mordilla la peau pour amusement. Voilà ce qu'il lui fallait, quelqu'un pour le soutenir et le pousser à aller de l'avant. A son tour, elle regarda la petite fleur avec un regard attendrit. Il n'était encore qu'un jeune loup et l'avoir vu si triste avait fendu le coeur de Funebre. Elle était ainsi contente qu'il reprenne goût à la vie. Mais sa dernière déclaration, comme quoi il draguerait toutes les femelles, fit rire aux éclats la louve qui se surprit à effectivement rire. Elle qui avait oublié le goût des larmes et du bonheur. Puis, lentement, après cinq bonnes minutes, la louve calma son rire pour sortir son museau à l'extérieur, humant l'air en silence. Les flocons tombaient lentement. Un de ces derniers se glissant sur la truffe de Funebre qui ne fit qu'éternuer bruyamment en ébrouant son pelage noir. Elle était loin de ses terres mais elle y retournerait plus tard à présent. Elle devait veiller sur Artax, sans besoin de lui dire. Pas forcément comme une mère, bien qu'elle aurait pu l'être. Elle en fut d'ailleurs étonnée, et dire que la louve aurait pu être la mère de ce jeune loup ! Donnant deux ou trois coups de langue sur le dessus du crâne du canidé, elle lui souria, frottant son museau contre le sien avec cette même tendresse protectrice et douce. Peut - être était - elle une Devil, elle n'en avait pas moins un coeur..

Regardant avec douceur le jeune loup, elle le laissa ainsi s'endormir. Pendant ce temps, elle continua de regarder silencieusement les flocons s'étendre sur la terre. Elle aurait pu partir sans se retourner, le laissant seul, mais elle ne le fit pas. Elle ne voulait plus qu'il perde espoir, quitte à lui dire qu'elle serait toujours là, dans son coeur pour l'aider à avancer. Certes elle n'avait pas un passé aussi tragique que le sien. Il pourrait au moins se reposer sur son épaule ce soir et demain repartir sans avoir peur de ce que le lendemain lui réserve. Alors Funebre reposa sa tête sur ses pattes avant, refermant ses grands yeux d'argent pour se mettre à repenser à ses chimères. Son passé lui, n'avait été constitué que d'une brève tristesse qui n'en avait été que simulée. Elle n'avait jamais pleuré, elle n'avait pas oublié le goût des larmes, elle ne l'avait jamais connu. Elle revoyait encore quelques scènes avec Lunak, lorsqu'ils jouaient dans les prairies ou quand ils chassaient. Tout deux avaient fait une superbe paire avant qu'ils ne se séparent. Même ce mâle n'avait rien connu des sentiments, juste des sensations fortes qui avaient fait monter l'adrénaline, mais rien d'autre en particulier. La louve portait un masque de gentillesse pour ne pas se faire d'ennemi(e)s dès le début, mais elle ne connaîtrait ses véritables adversaires plus tard. Les Angels. Eux par contre, ils n'y échapperaient pas. Elle serait réellement sans pitié. Rien que d'y penser, un frisson parcourut son corps, délicieux. Puis elle trouva enfin le sommeil, contre Artax.