J'éternuais violement. Le parfum entêtant des fleurs qui foisonnaient sur cette plaine était beaucoup trop lourd pour moi - il n'y a pas de fleurs, dans la toundra. Du moins, pas des fleurs aussi parfumées, ni aussi colorées. J'avais un peu de mal à fixer mon regard, au milieu de cet arc-en-ciel, de cette profusion infernale de couleurs et de mouvements. Mais ma curiosité était la plus forte. Je suis trop curieux, on me l'a déjà dit. Et je m'en fiche ! Je me ramassais, puis bondis, d'une détente puissante et vigoureuse, au milieu des fleurs. Mais je n'avais pas l'intention de me mettre à courir : à peine mes pattes avant se furent posées sur l'herbe, que je roulais sur moi-même dans une splendide galipette, qui m'envoya bouler sur plusieurs mètres.

Dans une position un peu curieuse, les pattes placées un peu n'importe comment, je relevais la tête, la langue pendante et souriant. J'avais un peu le tournis, et je secouais avec énergie ma tête gris-argent pour me remettre les idées en place. D'un seul et même élan, je me remis à peu près en place et me redressais, ravi comme un enfant qui vient de faire une bonne blague. Alors que j'étais adulte depuis des années. Je poussais un bref jappement, celui du louveteau qui veut jouer et est prêt à tout pour s'amuser. Je me mis à courir, mes foulées longues et fluides me portant sans effort à une vitesse de plus en plus élevée. J'étais heureux - comme d'habitude, je suis un loup qui respire la joie de vivre.

Soudain, je sentis l'odeur d'une louve. Je faillis faire un salto et quelques pirouettes pour faire la démonstration de ma joie, pensant qu'il ne serait peut-être pas approprié que je passe pour un fou avec une inconnue... Ou peut-être valait-il mieux qu'elle sache dès le départ que j'ai un grain sérieux ? Bah, la question ne se pose plus, je la vois ! Chic, une nouvelle rencontre, j'adore ça, moi. C'est toujours source de distraction et de nouveautés !

" Coucou ! " lançais-je, si fort que cela pouvait passer pour un hurlement.

Je n'étais pourtant plus très loin d'elle. Mais il n'y a aucune logique dans mes actions.

" Moi-c'est-Fenrir-je-suis-un-Celestial-et-toi-tu-t'appelles-comment-ça-te-dirait-de-jouer-à-chat-avec-moi, " débitais-je en parlant très vite et sans reprendre ma respiration.

C'est que j'étais très, très impatient. 'D'ailleurs, ma queue frétillait, et tout mon corps était tendu, placé dans une invite au jeu. Mes yeux vert sapin scintillaient.