Les plus belles histoires c’est celle qu’on demandait à écouter en boucle. C’étaient celle qu’on connaissait par cœur, chaque détail à tel point qu’on pouvait se faire la scène. Celle qui parcourait les terres n’était pas une belle histoire, mais la répétition semblait pourtant bien vraie. Le monde était sur le point de changer et personne ne serait plus à l’abri… Personne, et même pas eux. Les loups du Nord devenaient même les premiers concernes. A l’aube d’une bataille certaine, on ne pouvait rester sans camp. Alors il fallait mettre un terme a cette stupide hypocrisie et cette égoïsme qui disait : personne n’a besoin des loups du Nord. Alors j’étais venue à leur rencontre, pour tout connaître, parce que ce qui se passait aujourd’hui ne devait pas rester entre quatre murs de glace. Et pour le bien de ma meute, pour le bien des loups et louves auxquels je tenais, je devais savoir. Quoi ? Tout. Peu importait si je devais poursuivre la dominante jusque dans sa propre piaule, je voulais être au courant. Sur la glace, mes coussinets crissaient agréablement. Le vent glacial fouettait mon visage et faisait claquer ma fourrure blanche au vent. C’était un de ces jours ou les loups fuient les tempêtes de vent. Moi je l’affrontais sans pour autant la défier. Je n’avais pas peur d’elle tout comme elle n’avait pas peur de moi. De ma démarche digne, je parcourais les terres Celestials, balayant les étendues glaciales de mon regard azure. Aujourd’hui tout se jouait. J’avais revêtu mon plus beau costume : moi. Ce jour-la, par respect pour la dominante du clan, je refusais de me plonger dans un drame politique, avec des pleurs, des moqueries et du lèche botte. Alors oui, je marchais sur ses terres avec une posture noble qui disait qui j’étais. Pourquoi devrais-je m’en cacher ? Je ne cherchais pas à la rabaisser. Ni à lui mentir, quitte a ce qu’elle me méprise de porter un regard si froid sur son monde.

Pourtant les plaines blanches et infinies, je les connaissais bien, oh oui, tellement bien…De toute ma vie sur terre, je n’avais parlé du monde auquel j’appartenais qu’a une seule personne, et elle n’était plus la pour en témoigner. Ce qui se passait dans le monde des Dieux ne regardait personne d’autre que moi. Un soupir s’échappa de ma gueule alors que j’arrivais en haut de l’immense falaise de glace. Je m’arrêtai au bord de celle-ci et admira quelques instant ces terres hostiles. Autrefois j’étais une rumeur, un vent, un souffle d’espoir… Et aujourd’hui, qu’étais-je ? Une sauveuse, un monstre ? Peut-être une emmerdeuse qui ferait mieux de retourner au paradis. Oui, au fond, je n’étais peut-être que ça. Je roulai des épaules, fouettai l’air de ma queue éclatante. Puis, d’un mouvement élégant, je levai le museau au ciel et poussai un hurlement, doux mais puissant. Je l’appelai. Je l’attendais. Et dieu seul sait si je devais attendre des jours, des semaines, des mois… Mais je la rencontrerais.

« Et cette fois-ci, carte sur table… » murmurai-je. « Ce sera dominante d’un monde de glace contre princesse d’un monde blanc. »

Au fond, nous n’étions pas si différentes. Mais ça, personne ne le savait. Et sûrement, personne ne le saurait jamais.