La savane était là, à mes pattes, déserte et sauvage. Marchant au milieu des herbes hautes, j'observais les alentours avec calme et silence. Ma fourrure blanche était couverte de poussière et je me fondais un peu mieux dans ce paysage jaune. Je cherchais un point d'eau pour boire et, qui sait, piquer une petite tête. La chaleur n'était pas accablante, j'avais connu bien pire. Durant les mois passés en tant qu'esclave dans les terres du Diable, j'avais appris à supporter la chaleur et croyez moi, celle de la savane n'était rien comparée à la morsure du feu des Enfers. Me secouant énergiquement, je vis plus loin une gazelle brouter, accompagnée de son petit. Je m'arrêtai un instant pour les fixer. La mère leva la tête et me regarda, tout d'un coup méfiante et presque paniquée. Dans cette confrontation visuelle, j'étais le prédateur. Détournant le regard, je repris ma marche et laissai les herbivores manger tranquillement. De toute manière je n'avais pas faim, et je n'avais pas non plus envie de chasser. Sur le sol sec, mes pattes se posaient avec délicatesse même si je me souvenais avec nostalgie de la douceur des nuages, lorsque je marchais dessus autrefois. Refusant de me laisser entraîner dans les souvenirs, je me mis à trotter, le soleil d'hiver était quand même chaud et la soif devenait de plus en plus omniprésente. Le soleil était à son zénith lorsque enfin un petit lac s'étendit sous mes pattes. Galopant jusqu'au point d'eau, je pénétrai dedans sans gêne. Les animaux qui s'y tenaient m'observèrent quelques instants avant de retourne à leur besogne, je n'avais pas l'air menaçante. Le lac n'était pas très profond et même en son milieu j'avais encore pattes, l'eau m'arrivait au poitrail. Trottant avec énergie dans l'eau, je me dis que de toute manière, je n'avais pas à craindre le chaud. Secouant la tête en envoyant une gerbe d'eau autour de moi, je retournai sur le bord en lapant de l'eau de temps à autre. Je venais de décider que j'allais rester ici, jusqu'au soir avant de retourner sur mes terres. Allant sur le bord de l'étang, je me couchai dans environ 10 centimètres d'eau et posai ma tête sur mes pattes, la gueule à moitié dans le liquide rafraîchissant. Fermant les yeux je frissonnai de bien être, j'avais laissé tous mes ennuis et toutes mes peines sur les lointaines Terres de Paradise. Désormais il n'y avait plus que moi et les herbivores, la douceur de l'eau et le calme.

Les derniers rayons du soleil me réveillèrent. Je relevai subitement la tête en me rendant compte que j'avais dormi tout l'après-midi. Le lac était tout calme et même ma présence n'empêchait pas l'eau de dormir. Souriant, la température était largement descendue. Soupirant, il fallait que je rentre. Les terres étaient loin mais je n'avais pas peur de marcher, voilà bien longtemps que je n'avais aussi bien dormi. Me levant dans un bond léger, je sentais tous mes sens et mes muscles se réveiller. Mes mouvements réveillèrent aussi l'eau, et des petites vagues se formèrent à sa surface. Je me secouai, rendant à ma fourrure blanche sa beauté et partis dans un trot aérien vers mes terres, refusant de regarder derrière moi le lac qui me disait au revoir. Continuant à avancer, la nuit commençait déjà m'envelopper, ramenant en moi la tristesse et la douleur. Je me perdais dans mes pensées quand soudain j'aperçus une forme devant moi. L'odeur me fit frémir, c'était un Sakarite. Mais pas n'importe lequel, mon père m'en avait déjà parlé, et je l'avais reconnu comme si je l'avais toujours connu. Fronçant les sourcils, j'aperçus une demie seconde l'éclat de son regard malsain. Puis il me tourna le dos et j'hésitai à faire demi-tour. Simplement je n'avais pas envie de tirer ma révérence face à un loup comme lui, pas face à un fils de Dieu. Je savais que sur Wolf Angel j'étais la seule louve qui descendait de dieu, et bien souvent les autres pouvaient penser que cela faisait de moi un être plus faible. Sa voix, profonde et grave, résonna dans l'air. C'était comme si un animal crevé ouvrait la bouche et je me raidis. Je n'avais pas vraiment envie d'entretenir une relation avec ce genre d'énergumène. Prenant mon courage à deux pattes, je me dis qu'affronter le serpent était toujours mieux que de lui tourner le dos. Je regardai les courbures de son dos, voyant ses muscles noueux sous sa fourrure sable. Il ne me ressemblait en aucun point mais je n'avais pas peur de lui, pas après avoir rencontré le fils du Diable. Et même si je savais qu'il n'en était pas moins redoutable je ne craignais pas la colère d'un gamin pourri gâté. Fouettant l'air de ma queue blanche, je m'assis moi aussi, le défiant du regard.

"Bonsoir Seth."

Oh oui je le connaissais son prénom, pour l'avoir entendu maintes fois. Mais je n'aimais pas la façon dont il prononçait le mien, comme s'il tentait de me faire peur. Une louve normale aurait prit ses pattes à son cou, mais je me contentai de fixer son dos sans m'approcher. De toute manière je ne supportais pas son odeur de trahison.

"Fais attention de ne pas attraper froid."

Je ne sus pas vraiment pourquoi j'avais sorti ça, c'était venu naturellement, avec ironie. Parce qu'ici je n'étais pas sur mes terres et il n'était pas sur les siennes. Personne n'avait l'avantage, nous étions sur la même marche. Et cela me permettait de lui dire des choses dont je me serais retenue de lui dire en d'autre conditions.