Funeste ne faisait pas exception. Si beaucoup de Solitaire s'installaient dans la vallée, c'est parce que c'était assez vaste comme territoire et que les meutes ne s'y trouvaient pas. Et tout le monde sait que les Solitaires font semblant de ne pas se voir quand ils se voient. À moins évidement que l'un convoite le déjeuner de l'autre. Mais il y avait assez de proies pour, la plupart du temps, éviter ce genre de confrontation. Mais bon, les loups avaient parfois besoin de se défouler et un bel affrontement bien sanglant, c'était pas pour déplaire à Funeste. Avec un nom pareil, on ne s'attend pas à moins.

Tout l'hiver, Funeste s'était octroyée un petit territoire de trois ou quatre kilomètres carré qu'elle patrouillait avec acharnement tous les jours. Et ce plusieurs fois par jour. De toute façon, qu'avait-elle à faire de plus que de patrouiller le seul truc qui soit à elle. Et encore là, il n'y avait rien d'officiel, c'était que dans sa tête. Pourtant, elle veillait à garder l'espace qu'elle s'était attribuée vide de tout autre loup. C'est surtout pour cette raison qu'elle patrouillait son secteur. À trois ou quatre kilomètres carré, elle arrivait à en faire le tour et de part et d'autres en une journée. C'était un petit territoire, mais c'était le mien.

Exception faite de sa présence, rien ne laissait envisager qu'elle avait prit possession de ce petit coin. À quoi bon, c'était une solitaire. Et puis ceux qui squattaient aussi la vallée avaient apprit ses habitudes depuis la dernière année. Elle avait bien choisit son coin. D'agréables bosquets, un minuscule ruisseau, juste parfait pour elle et une rocher creux, avec peu de place disponible. Parfait pour une solitaire qui aimait dormir dissimulée, de jour ou de nuit. Quand ça lui plaît, quoi. Le temps qu'on prend pour faire les choses importe peu quand on n'a que soi à se préoccuper.

C'est le début de la soirée. C'est frais, c'est la fin de l'hiver. Mais même pour une louve originaires des déserts, le froid ne la gêne pas. Les Sakarites savent que si la chaleur est étouffante le jour, la nuit, c'est glacial. Entre chien et loup, Funeste patrouille son petit territoire, pour elle-même.

Les yeux tout autour d'elle, les oreilles prête à saisir le moindre son inhabituel, la truffe au sol et dans les air pour capter une odeur différente, c'est d'abord l'odeur d'un lièvre qu'elle flaire. Sa dernière proie remontait à trois jours, mais un lièvre ne se refusait jamais. Elle se met en chasse, à suivre la trace odorante du rongeur. Méticuleuse et disciplinée. Elle prend tout ce qui passe, sans demander, sans regarder. C'est une question de survie. L'animal qui lui servira de repas n'est pas loin. Probablement tapis dans un des bosquet. Elle devait faire attention. Ne pas l'alarmer. Ne pas faire de bruit. C'était une proie âgée. Pas trop, mais tout de même, assez âgée. Funeste n'est pas difficile. Jeune ou âgée, une proie, c'est de la viande. Et on n'ignore pas la viande. C'est une question de survie. La survie est très importante pour Funeste. Comme pour beaucoup de Solitaire qui ne peuvent compter que sur eux-même.

Mais soudainement, une odeur vient la déconcentrer. Une odeur différente. Ce n'est pas le lièvre. Elle se remet la truffe au sol, tentant de retrouver la piste des longues oreilles. Mais cette odeur... elle la connaît... enfin, elle la connaissait. On marche sur son territoire. Le lièvre s'en tirera de toute façon, puisqu'il y en a un autre. Un autre ne sachant pas que la victime est présente lui fera peu. Non, Funeste n'aura pas cette proie. Pas aujourd'hui. Elle n'est pas affamée. Le lièvre peut attendre. Elle se détourne de la piste du lièvre. Elle lève la tête et hume l'air ambiant. Oui, elle connait cette odeur. L'odeur sec. L'odeur de sable avec un subtile parfum de cactus. Le vent sec de la liberté qui fut pour elle une prison. De toute façon, tout ce qui est cohésion de groupe est pour elle une prison.

Funeste connaît bien son territoire. Elle contourne le vent. Elle change de position, frôle à peine les bosquets, se dissimule derrière. Rapidement, elle voit la source de l'odeur. Si Funeste est sous le vent, c'est que ce loup pâle est direct dedans. L'odeur lui parvient, révélant nombres d'informations utile à une solitaire comme Funeste. C'est une louve. Elle n'a pas l'odeur musque des mâles. Elle n'est pas adulte, elle n'a pas l'odeur des femelles en âge d'avoir des petits. Une jeune Sakarite, donc. Bon sang, une juvénile Sakarite. Mais peu importe qui elle est, elle est sur son territoire. Du moins celui qu'elle s'est attribuée. Cette juvénile doit savoir qu'elle n'est pas chez elle. Funeste quitte le couvert des bosquets, revient sur ses pas. Elle ne se cache pas. Son odeur parviendra rapidement aux narines de la loupiote. Funeste connaît bien son territoire.

Puis la juvénile se dirige vers elle, humant l'air. Elle vient de la capter. C'est un bon début. Funeste ne se cache pas. Elle reste tout de même sur le qui-vive. La tête haute, telle une reine en son royaume, elle reste immobile, jusqu'à ce que les yeux de la juvénile se pose sur elle.

Qui elle est ? Les jeunes... elle pose la question comme si c'était elle l'intruse. Ce n'est pourtant pas le cas.

• Tu es chez moi. Ce serait donc plutôt à toi de me dire qui tu es. Mais j'en sais déjà bien assez. Elle lève encore un peu le museau, cherchant à capter d'autres odeurs. On m'appelle Funeste. Et toi ?

Funeste ne bouge pas. si ce n'est qu'elle inspire les odeurs, l'air sereine, comme un maître en son pays. comme celle qui ne semble rien craindre sur ses terres. C'est une jeune loupiote après tout. Funeste à trois ans et elle se débrouille toute seule depuis longtemps.