« La vie est éphémère, c'est ce qui motive les vivants à la supporter. Un mortel chercher à survivre, un immortel à mourir. J'ai cherché à mourir, j'étais donc immortel. La petite mouche qui va se perdre dans la toile d'araignée cherche la mort, elle est donc mortel. Autre raisonnement dans ce genre : admettons que les loups normaux ont quatre pattes. Moi j'ai quatre pattes. Donc les loups normaux sont comme moi. Non... Sinon il n'y aurait plus personne sur terre. Essayons encore une fois : les rats ont une queue. Les loups ont une queue. Donc les loups sont des rats. Oui, joli raisonnement Belethya... »

Les parois de la grotte suintaient de chaleur, dégoulinaient de souffre. Une odeur âcre & puissance régnait en maîtresse dans ce tunnel sans fond, dont il y avait une entrée, mais pas de sortie. Beaucoup de loups étaient allés vers son fond, sans chercher à comprendre. Tous savaient qu’ils ne reviendraient jamais. Ce jour-là, une ombre fugace & belle glissait sur les murs. C’était la mienne. Mes longues pattes se posaient avec une délicatesse irritante sur le sol rocheux et humide, ne produisant aucun son. Il n’y avait que mon souffle menaçant, comme le sifflement du vent entre deux montagnes. Autour de moi, il y avait un grand silence. Plusieurs regards se posaient sur moi, mélange d’effroi & de crainte : ils m’avaient remarqué. Balayant la petite assemblée de mon regard de braise, je passai lentement ma langue mes crocs en souriant, découvrant ma mâchoire puissante. Sur mon échine, ma fourrure ébène se dressa avec agressivité. Un grondement rauque monta de ma gorge alors que je fixai les inconnus, qui ne savaient que faire : me tenir tête, à moi, démone sortie droit de la bouche de l’enfer, ou bien s’enfuir la queue entre les pattes prévenir leur dominant. Mais oui, bande de rats, allez donc chercher votre cher petit dominant... Je lui rapportais des nouvelles de son cher papa. Grattant le sol de mes griffes, je m’ébrouai et, sans crier gare, claquai sèchement de la mâchoire. Les loups sursautèrent, reculèrent les crocs découverts. Je piaffai d’impatience, fouettant nerveusement l’air de ma queue. Enfin, les loups qui il y avait quelques instants dormaient profondément déguerpir. Je poussai un soupir : oui le monde avait bien changé. Tournant ma tête finement ciselée vers le fond de la grotte, je souris et lançant un grondement à l’attention de ce cher Méphisto’. Un vent brûlant, accompagné de rires muets remontèrent de la gorge suintante. Léchant mes canines, je haussai les épaules et partis, trottant tranquillement. J’étais de retour.

Je n’avais pas envie de m’attarder sur mes terres. Je savais déjà que la rumeur allait courir qu’une nouvelle démone venait de sortir des ténèbres, recouvrant le monde d’un linceul léger, mais étouffant. Traversant au petit galop les plaines herbeuses de Hell, j’étais dégoûtée de voir autant de verdure : cela ne devait pourtant pas être bien compliqué de détruire la nature ! Lâchant un soupir en haussant les épaules, je continuais mon chemin vers les terres brûlantes du Sud. Là-bas je pourrais me reposer un peu avant d'aller voir le dominant. Je n'avais pas envie d'aller me jeter dans ses pattes directement, je m'en foutais un peu dans sa tronche, au pire il viendrait me chercher et me sortirait le blabla habituel des dominants... Quittant sans plus tarder les terres pourries de Hell, j'aperçus au loin la longue fissure du canyon. La chaleur n'était pas encore trop forte, c'était le début de matinée. Soudain je relevai mon regard rouge vers l'astre solaire et l'observai grimper lentement dans le ciel blanc. Depuis combien d'années n'avais-je vu le soleil ? Un bout de temps, les années ne se comptaient plus. Marchant du côté Devil de la fissure, je regardai les terres Sakarites sans une once de sentiments. J'attendais de trouver un endroit pour traverser le canyon.