[ ça lui itait bien, la pastèque sur la tête et la jupe en feuilles de bananier je trouve ]

Lune sourit un peu plus, vraiment très amusé par le comportement à la limite de la stupidité de cette louve. Il était polyvalent et s'il n'excellait pas partout, il savait combiner tous ses savoirs et acquis pour trouver une parade à presque tout.

Après tout, on lui avait appris le métier de guerrier chez les Devils, de chasseur chez les Celestial et de Guérisseur chez les Angels...
Quand aux Sakarite, il avait appris d'eux la haine, la colère, et l'art de ne pas se faire remarquer. Espion, quoi...

S'il n'avait pas de spécialité il arrivait à égaler de nombreux loups n'ayant qu'un seule catégorie en tête.

- Tu n'es pas digne d'être celestial. Ceux qui font partie de ta pseudo meute sont ceux du nord, les loups du froid et de la glace. Or, toi, tu joues avec le feu..

[XD]

- Je ne joue pas avec le feu. Je me joue de lui.

Cette réplique n'avait pas beaucoup de sens, mais ça faisait très stylé, surtout avec l'air supérieur qu'elle avait pris en disant ça. Elle s'était assise sur le sol, la tête haute, le museau pointé vers les nuages, les yeux fermés et les narines reniflant l'air marin.
En fait, quand on y pense : oui, sa phrase avait un sens. Il fallait juste réfléchir pour y acceder en son entièreté.

Ea Moon n'était pas née Celestial. Alors être digne de l'être... ce n'était pas obligatoire. Ces pensées la ramennèrent subitement à ses origines. Sa mère disparue peu après sa naissance, abandon prématuré et injuste, le clan Celestial qui était apparut exactement au bon moment et surtout... surtout... les quelques mois passés alors qu'elle aurait du être incapable de survivre sans aucun problème, tel un miracle. Elle avait mis ça sur le compte de la Lune, seul souvenir de cette période à part le sang. Mais une part d'elle lui disait qu'il y avait baleine sous gravillon à chaque fois qu'elle pensait à ce mystère.
Elle répondit sèchement pour éviter de se perdre dans sa mémoire et ses pensées :

- Tu ne sais pas qui je suis...

Avec une telle phrase, Lune avait de quoi embrayer. Décidément cette louve était excellente, dans le genre.

- De là où je viens, on dit qu'un incrédule affirmait qu'on pouvait duper et maîtriser le feu, et il se moquait de lui. Alors le feu l'a dévoré.

Lune de Sang avait dit cela avec un regard appuyé et très explicite. Dans ce combat verbal, il prenait la place du feu. Il s'identifiait aussi plutôt pas mal à lui. Imprévisible, dangereux. Fugace dans son attaque et à la morsure brûlante.

- Toi non plus, tu ne sais pas qui je suis, louve du nord...

Elle était même très loin de le savoir. Après tout, que savait-elle de lui ? Qu'il était solitaire, qu'il était sanguinaire au point d'être vampire, cruel ? Et c'était bien tout. Oui, c'était tout.
Mais elle s'imaginait sûrement que parce qu'elle savait qu'il aimait boire du sang, il était fiché et classé.

Nul n'avait jamais cerné Lune et certainement pas cette femelle.

Qu'il cesse de l'appeler "Louve du Nord" à la fin ! Ce n'était pas aussi pire que les "Ma belle" et "Ma jolie" de leur rencontre, mais c'était tout de même pas agréable. En plus, elle n'était pas une vraie louve du nord. Elle aurait tellement aimé l'être, ne pas être la petite loupiote recueillie par les Celestial. Les Celestial... que serait-elle devenue sans eux ? Sa survie à ses premiers mois relevaient déjà du miracle inexpliqué, alors si le clan de Sibeska n'était pas là... elle serait sans doute morte, dévorée par un loup comme celui qui l'énervait depuis tout à l'heure.

- Le feu ne tue que si on ne le manipule pas avec quelques précautions. Cela ne m'étonnerait pas que cet "incrédule" était un membre de ta famille. Si tu ne l'as pas dévoré peu après ta naissance pour survivre...

Ea Moon jouait l'eau dans cette scène infernale. L'eau qui éteint, qui calme, mais aussi qui s'agite, qui déplace, qui brise, qui détruit. Lune de Sang devait se trouver supérieur à elle... il devrait réviser son jugement.

Même dans des pluies torentielles, un feu suffisament puissant ne peut pas s'éteindre. Parfois, l'eau ne sert à rien pour éteindre le feu.
Cette louve l'amusait de plus en plus. Elle savait bien qu'il se comparait au feu, et en plus avait raison sur ce coup-là : "Le feu ne tue que si on le manipule sans précautions." Lui même ne tuait pas sans raisons et si on était suffisament attentif à la manière dont on s'adressait à lui et il ne brûlait pas. Ou alors, si peu.


- Le feu aime tromper les gens en leur faisant croire qu'il est possible de l'amadouer...

On pouvait dire que cette phrase lui ressemblait vraiment. Il aimait tromper les femelles en leur faisant croire qu'il était doux et attentioné, avant de leur montrer une véritable partie de son être... et briser leurs ailes.
Aux dernières paroles de la louve, le regard de Lune se durçit et l'ombre du commencement de l'appaition visible de sa colère passa brièvement dans ses yeux. Sa famille ! Oui, elle était morte. Et oui, de part ses crocs ! Dès qu'il en avait eu la force, il était revenu sur les terres des Sakarite pour mettre fin à ses jours. Cela avait été un combat formidable, car sa mère était une redoutable combattante et le haïssait presque autant que lui la haïssait. Il avait fini par la vaincre, par l'égorger suffisament pour la priver d'énergie. Ensutie il l'avait regardée mourir, et son sang couler sur la terre et la souiller. Il n'en avait pas bu, car pour lui son sang ne pouvait avoir que le goût du poison.
Quand à son père, il ne l'avait jamais connu. Il avait bien eu un frère, un seul, mais il était mort très tôt car leur mère les haïssait tout les deux autant, et lui n'était pas assez fort pour survivre envers et contre l'hostilité de leur mère.
Même s'il était très jeune à l'époque, ce fut la seule mort qui l'attrista de toute sa vie.

- Ne parle pas de choses dont tu ne sais rien, louve du nord. Comme je te l'ai déjà dit la seule chose que tu sais de moi c'est que j'aime bien, à l'occasion, boire le sang de mes victimes. Mais mon enfance, mon passé ? Là, tu nages dans des océans de brume. Et je te conseille personellement d'y rester.

Après un temps de silence, le loup noir reprit.

- Mais puisque tu es franchement décidée à me classer dans la catégorie des loups ignobles, je vais ajouter un point à mon dossier.

Le loup se rapprocha légèrement de la Celestial et la regarda dans les yeux, une drôle de lueur brillant au fond, mélange de haine et de tristesse.

- J'ai tué ma mère dès que j'ai été en mesure de le faire.

Le loup noir se demanda un instant s'il devait continuer son petit jeu avec la louve du nord, la laisser mijoter sur ce qu'il avait dit, lui en dire davantage ou tout bonnement décider qu'elle en savait beaucoup trop. Il était vrai qu'il lui en avait dit plus à elle que à n'importe qui d'autre.

- Le feu est éphémère, mais le bonheur l'est aussi. Le feu profite de la vie qu'il a au maximum, et pendant cette période il brille plus fort que l'eau. Il réchauffe le coeur des loups affaiblis, leur redonne espoir dans sa puissance et sa beauté dangereuse. Le feu et ce qui pousse les loiups en avant, leur donne le courage et la volonté d'aller plus loin, alors que l'eau incite les loups à rester où ils sont et à attendre le bonheur, au lieu d'aller le chercher. Le feu est éphémère mais intense. L'eau est immortelle et fade. Entre les deux, je préfère largement le premier.

Lune s'interrompit quelqus secondes, scrutant les yeux haineux de la louve.

- D'ailleurs, le feu de la haine brûle en toi. Sans lui, tu attendrais passivement que moi ou un autre mette fin à ta vie en espérant que d'ici-là, tu aies trouvé ce que tu veux.
Je ne sais rien de ton histoire mais j'en sais plus sur ce que tu es que tu n'en sais sur ce que je suis. Je reconnais en revanche que tu connais mieux mon histoire que moi la tienne - mais n'oublie pas que ce n'en est qu'une parcelle infime. Et que je ne t'ai dit que les résultats, pas les causes et la première braise qui les a fait s'embraser.

Puis il repensa à sa mère, et aussitôt une haine brûlante lui traversa le coeur. C'était la seule personne pour laquelle il ai jamais vraiment pensé qu'elle méritait de mourir. Toutes les morts qui avaient suivi étaient intéressantes, dommages, curieuses, inévitables, mais pas méritées. Le loup noir ne portait pas une haine particulière en son coeur. Il était plus indifférent que haineux. Mais sa mère avait le don de déclencher en lui des torrents bouillonants de colère et de haine empoisonnée. Il avait voulu faire souffrir sa mère comme elle l'avait fait souffrir, lui. Il avait voulu la tuer à petit feu, comme elle avait tué son frère. Pendant quelques instants, le loup noir se rapella ce qu'il était, autrefois, et redevint le louveteau. Le louveteau désespéré devant la dépouille de son frère. La seule personne qu'il avait jamais aimée. Les folles cavalcades, les oreilles mordillées, la douleur partagée, le sentiment de fraternité, de complicité. Les roulades dans le ruisseau, les poursuites effrénées. La chasse aux papillons. Le rire et les larmes.

Lune tourna la tête. Et une unique larme roula sur sa joue. Larme d'une enfance oubliée, témoin d'un frère perdu. Elle roula le long de la joue du loup solitaire puis se perdit sur le sol, sans bruit.
Comme s'il venait de réfléchir à quelque chose - le tout n'avait duré que très peu de temps - Lune tourna à nouveau la tête vers la louve du nord.

- Demandes-toi qui est le plus à blâmer : le monstre ou ceux qui l'ont engendré.