Surprise, Larme regarda le loup comme si c'était un fou échappé de l'asile.

- Des frères ? Des soeurs ? Les seuls que j'ai eu sont morts avec ma deuxième mère et en plus ils étaient plus que pas de mon sang, ils n'étaient pas des loups !

Larme failit rire à cette remarque, d'un rire un peu dément et saracastique, mais elle se retint et seule une étincelle traversa ses yeux brillants.
Oui, sa deuxième mère et ses frères et soeurs n'étaient absolument pas des loups. Non... Elle les avait aimés peut-être plus que sa vraie famille, décédée avant eux. Mais ils n'étaient pas des loups.

Le regard de Larme s'assombrit - oh, si peu, mai il s'assombrit tout de même. Elle repensait à ces moments heureux, quand elle était jeune, loup au milieu des lynx. Elle repensait à ces moments de jeux, d'oreilles mordillées, de bousculades dans le ruisseau, de rires enfantins.
Au grondement maternel de la mère lynx qui surveille ses petits lynx et son petit loup. Aux tapes de la mère quand elle faisait une bêtise, sa patte à la fois tendre et ferme qui l'envoyait bouler sur le sol, étourdie. A sa langue râpeuse qui la réchauffait, à la nourriture qu'elle lui donnait et qu'elle avait chassé pour eux. A la présence rassurante de cet être puissant, capable de nous protéger de tous les dangers, qui bondissait toutes griffes dehors pour mettre ses pettis à l'abri d'un carcajou trop téméraire, d'un lynx mâle et autres bêtes du même genre. A la puissance destructrice d'un lynx en colère, au sang qui tache le sol, au cri de détresse de son père-loup, quand les crocs de sa mère-lynx déchirèrent sa gorge. A l'odeur de la peur et du désespoir, âcre.

- Seulement il faut aussi penser à la manière dont je me suis retrouvée avec eux. Il faut aussi penser que je ne les aurait jamais connu si leur mère n'avait pas tué mon père avant de m'adopter dans sa famille, répliqua Larme d'un voix chargée de tristesse, bien qu'elle ne soit que très peu perceptible.