On est à la fois immense et tout petit. [ PV Losin ]

Invité

Qui suis-je pour décider que ce lapin-ci ou ce faon doive mourir ? Qui suis-je pour donner la mort ou laisser la vie, pour juger qui doit vivre et qui doit mourir ? De quel droit ai-je ainsi droit de vie et de mort sur les autres, sur les animaux plus petits ou plus faibles que moi ? Du droit de faire comme il me semble bon ? Du droit du plus fort ? Les droits, comme les devoirs, ne sont que poussière face à l'intensité du monde. Chaque respiration que je prends fait partie du monde et pourtant s'y perd comme une goutte d'eau dans un océan. Ma conscience n'est rien, rien que cette goutte solitaire et pourtant plongée au coeur de la vie.

Les Monts des Vents étaient, aux yeux de Fenrir, un coin génial : il y faisait très froid. Les vents glacés du nord ne rencontraient nulle résistance dans ces sommets flottant au-dessus des nuages. Tout autour de loup gris-argent, il n'y avait rien que l'immensité du ciel, d'un bleu enchanteresque. Il se situait presque au sommet de ces pics enneigés, et le vent soufflait avec une violence presque irréelle. Or Fenrir adorait le froid. c'était son meilleur ami, son allié, son compagnon de toujours, son fils, son frère, son père. Il ne faisait qu'un avec lui, acceptait sa morsure brûlante comme sienne, ne lui résistait pas mais se fondait en lui. Et s'il n'y prêtait pas attention, sa conscience finissait également par se fondre dans le froid pour ne plus être personelle, et s'égailler aux quatre vents, devenir tout au lieu de n'être qu'un. C'était une sensation étourdissante et très attirante, mais le mâle savait bien qu'il ne devait pas se laisser tenter. Dangereux, lui soufflait cette même conscience.

Le mâle avait l'impression d'être seul au monde, coupé qu'il l'était par l'étendue nuageuse en-dessous de lui. Et en même temps, il était presque intimidé devant l'étendue infinie qui se déployait sous ses yeux. Il était minuscule comparé à cette immensité. Invisible. C'était vraiment un endroit génial pour faire un pique-nique. Un instant figé dans ses pensées par cette vue fabuleuse, Fenrir atterit sur terre en même temps qu'il remarqua une autre présence, un peu en dessous, plus proche de la couche de nuages. A cette hauteur, la roche présentait une surface plus abrupte et moins large, aussi était-il difficile de ne pas remarquer la louve qui se tenait en contrebas. Le grand loup gris-argent descendit en faisant rouler quelques cailloux, annonçant ainsi sa présence à la femelle.