Le 08 Mars 1990


Voilà trois ans que j'erre, sans but précis. J'ai quitté mon cocon familial, l'amour de ma mère devenait étouffant. Jamais je n'avais songé ne pas savoir quoi faire après. Quelle erreur ... j'ai été stupide, je l'avoue humblement. Si seulement elle n'était pas morte, je l'aurais rejointe. Il est désormais trop tard pour refaire machine arrière. Je ne peux malheureusement pas décider moi-même de la vie et de la mort.

Il n'y a pas longtemps, j'ai croisé un jeune homme. Il faisait sombre, tout était noir autour de moi. Seul un lampadaire brillait, non loin. Une faible lumière dans les ténèbres, un coin de refuge pour cet adolescent. Ce dernier avait treize ans, et il pleurait, seul, assis sur un banc, dans le froid et le silence de la nuit. J'ai tout de suite été pris de pitié pour ce pauvre jeune homme, et il m'a raconté son histoire. J'ai d'abord eu du mal à le croire, mais devant sa transformation, je n'ai pas eu le choix. Il est devenu panthère ! Non, non, je ne plaisante pas. Et depuis ce fameux jour, je ne cesse de repenser à ça. Il m'a conter qu'il n'était pas le seul dans cet état là, et que beaucoup d'autres "humains" comme lui existaient dans ce monde. Bizarrement, j'ai confiance en lui. Il n'a pas eu une vie facile. Sa mère est morte alors qu'il venait de naître, et son père s'est enfuit dès qu'il l'a vu se transformer. Il est seul, rejeté de tous et il en souffre. Je veux l'aider, tout faire pour le rendre heureux. Serait-ce là le but de ma vie ? Lui donner une vie normale ? Enfin, je saurais pourquoi je suis né ? J'aimerais tellement que ce soit le cas. Pour lui, mais aussi pour moi. Je veux les recueillir, tous, les aider à contrôler leur fameux don. Je suis persuadé que j'en suis capable.

Extrait du journal d'Erwan.

****



Le 18 Février 1995


Nayl et moi-même nous sommes découverts beaucoup de points communs. Le petit enfant que j'ai trouvé un soir, il y a cinq ans, pleurnichant sur un banc sous un lampadaire, ce petit enfant a bien grandit. Nous nous aimons comme un père et son fils. Jamais je n'avais fait meilleure chose que le prendre sous mon aile, lui offrir de la nourriture, un toit et de l'amour. Il a beau déjà avoir dix-huit ans, l'image de lui en petit adolescent m'hantera à jamais. Je m'en rappelle encore comme si c'était hier.

Nayl a eu une idée, voilà trois mois, et nous essayons de mettre tout cela au clair. Avec un peu de chance, tout sera réglé d'ici un ou deux ans. Une académie. Une école pour tous les jeunes comme lui, qui ont la faculté de se transformer en animal. Grace à de multiples recherches, nous savons désormais que ce n'est pas le seul pouvoir dont ils sont dotés. Nayl maitrise le pouvoir de l'invisibilité. Il trouve ça bien pratique, certaines fois. Il n'empêche que c'est tout de même assez impressionnant pour un simple humain tel que moi.

Extrait du journal d'Erwan.

***


Le 28 Avril 1997


Cela fait longtemps que je n'ai pas ouvert ce cahier, très longtemps, et maintenant que je le relis, je suis amplis de nostalgie. Nous avons enfin pu ouvrir cette fameuse académie et je suis fière du travail que Nayl et moi avons fournis. Des élèves du monde entier cheminent des kilomètres et des kilomètres pour avoir ne serait-ce que la chance d'approcher ce lieu magique dont la réputation est déjà à son appogée. Dès que je vois cet établissement, cette merveilleuse école dont on ressent la magie loin, très loin; des étincelles brillent dans mes yeux, et je ressens de la fierté. Une énorme fierté. J'ai enfin accompli le but de ma vie, et j'ai sans doute sauvé des miliers et des miliers d'enfants de la solitude. Certain ne sont restés qu'un an parmi nous, ce laps de temps suffisant pour qu'ils apprennent tout de leur pouvoir, mais je sais que d'autres ne nous quitteront pas avant trois ou quatre longues années.

Ici, les cours se passent normalement, comme dans une école normale, sauf que nous rajoutons une heure pour la magie et une autre pour apprendre à contrôler l'animal qui est en soi. Ses heures sont très importantes pour nos élèves, les plus difficiles à assumer aussi, car il est difficile de se battre intérieurement contre une bête féroce. Mais j'ai confiance en eux. Et dans l'atmosphère sympathique et agréable de cette université, il n'y a pas de raison pour que quoi que ce soit se passe mal. De toute façon, je serais là, pour eux. Toujours. Je ne les abandonnerais jamais.

Je viens de remarquer que ce cahier était déjà terminé et je n'ai presque plus la place pour finir de décrire l'école. C'est dommage. Je sais pourtant qu'elle sera toujours au plus haut de sa forme, et qu'elle se perpétuera. Je n'aurai heureusement pas la chance de la voir s'effondrer. Mon dieu, faites que ce jour n'arrive jamais.

Erwan, un directeur comblé, qui se bat pour ses idées.

Extrait du journal d'Erwan.