S'il y a bien un domaine où je suis fondamentalement nul, c'est bien le décryptage des expressions. Je suis incapable de dire si on se paie ma tête ou pas, et il faut vraiment y aller pour que je comprenne que mon interlocuteur est en colère. Peut-être suis-je aveugle de ce côté-là. Les expressions faciales et les postures, c'est pas mon truc. Mais après tout, je m'en fiche. Je ne demande l'avis de personne sur mon comportement et puis... qu'on se paie ma tête ne me dérange pas, et j'adore agacer les autres. Alors, je ne vois pas pourquoi je me préocuperai de ce genre de choses... En fait, petite correction : il y a un domaine où je suis encore plus nul que le décryptage des expressions. Le tact, la diplomatie, je connais pas. Ce sont deux mots qui, s'ils figurent dans mon dictionnaire, n'ont pas de définition. Je suis toujours franc et direct et, même si je n'aime pas particulièrement blesser les autres, je considère qu'à un moment où un autre il faut bien voir la vérité en face. Cela ne sert à rien de s'occulter les choses, qui sont comme elles sont. Donc, dans tous les cas, je dis ce que je pense et pense ce que je dis, et pas forcément dans cet ordre.

" Tomber... Verbe intransitif appartenant au premier groupe des conjugaisons, le fait de perdre son équilibre, d'être renversé. " récitais-je à voix haute. Je penchais la tête sur le côté, perplexe, puis continuais : " Bah, je ne vois pas où est le problème. Moi, ça m'arrive tout le temps, et c'est plutôt marrant non ? "

On m'a déjà dit que j'ai une drôle de perception de ce qui est drôle et de ce qui ne l'est pas. Je ne vois pas pourquoi, moi. C'est vrai que la plupart du temps c'est marrant de tomber ! D'accord, on ne rit en général qu'après-coup - quoique pour mon cas, j'ai tendance à rire pendant que je tombe, si j'en ai le temps, en prévision - mais c'est toujours une bonne blague. Et quand je tombe, les autres rient, aussi. Donc c'est une bonne chose non ?

" Quand quelqu'un tombe, tout le monde rigole. Donc c'est une bonne chose ! " affirmais-je avec un aplomb déconcertant. " Ben là, j'étais très occupé à dévaler la rive du torrent le plus vite possible, et je faisais des paris sur le moment où j'allais tomber... Mais au départ, j'étais venu ici pour goûter de la marmotte... sauf que finalement j'ai changé d'avis et que je suis allé me refroidir dans le torrent... l'eau est exquise, tu sais ? Elle est vraiment glacée ! Forcément, remarque, puisqu'elle vient direct de la fonte des neiges. Et toi, tu faisais quoi à part dormir ? "

Tout au long de ma tirade, j'utilisais bien sûr le tutoiement. Je ne vouvoie jamais personne, car tous les loups sont mes copains ou potentiellement mes copains. Et je me fiche du fait qu'ils soient d'accord ou non sur le sujet. De plus, le "respect des convenances" est quelque chose qui m'est complètement étranger. J'avais également l'habitude de débiter des flots incessants de mots. Mes phrases n'avaient parfois aucun rapport les unes avec les autres, car je disais réellement ce que je pensais au moment où je le pensais. Je sais me taire quand il le faut, et j'aime aussi le silence, mais... dès que je commence à parler, ça s'emballe rapidement. Pendant tout mon discours, je ne restais jamais totalement immobile. Le mouvement pouvait n'être que celui d'un oreille, mais cela pouvait aussi être un sautillement, quelques pas sur le côté, ou bien le rythme de ma queue qui se balançait parfois de droite à gauche - et inversement.