Le midi avait sonné il y a quelques heures. Le zénith était enfin passé. Il n'y avait aucuns nuages aujourd'hui, simplement un ciel d'un bleu azuré. Un bruit de course se fit entendre à la lisière de la forêt. Un chevreuil totalement affolé courait tant bien que mal, sautant par dessus troncs et rochers pour échapper à son poursuivant. Mais l'animal, haletant, le regard écarquillé, les yeux révulsés, s'écroula de fatigue sur le sol en se prenant les pattes dans quelques racines ressorties de terre. Le prédateur, un loup plus grand que le moyenne et plus costaud déboula des buissons en poussant un grognement rauque qui racla sa gorge. Saisissant la gorge de l'animal entre ses crocs acérés, il serra jusqu'a que l'animal redonne son dernier souffle de vie. Ainsi, il relâcha le cou du cadavre encore brûlant de vie pour s'attaquer à son ventre, refermant sa mâchoire sur sa chair, il arracha goulument la peau pour plonger son museau dans ses entrailles, arrachant ces dernières pour les dévorer, le sang maculant sa fourrure d'une teinte bordeaux. Une fois la panse remplit, le loup s'écarta de sa proie, se léchant les babines goulument tandis qu'il se relevait, les pattes en avant, l'arrière train relevé pour bâiller et ainsi s'étirer du temps où il s'était confortablement reposé. Ses pensées vaguaient à son père, Styx. Le moindre indice relevait une fourmilière de questions. Après tout, il l'avait vu une fois mais jamais parlé, rien, même approché. Il n'avait vu que sa silhouette. Pestant contre l'idée qu'il ne pouvait même connaître son propre père, le loup quitta la carcasse dépouillée du chevreuil.

Il se sentait comme ailleurs.. Le liquide vermeil était encore présent entre ses canines, sur sa langue. Il était pensif et surtout, il était bien. Il se sentait comme revigoré grâce à ce fin repas. Il n'avait pas rencontré de loup ou de louve depuis bien longtemps, bien que cela ne le dérangeait pas, il traînait rarement avec la meute. Il restait sur les terres, s'occupant de ses affaires, tentant d'attraper des Angels de temps à autre. Mais en ce moment il essayait de se rapprocher des grottes. Tout en réfléchissant, il se retrouva entre les arbres de la forêt de la perdition. Combien de fois avait - il visité ses bois jusqu'a connaître chaque brindilles, chaque rochers et point d'eau ! Mais la rivière de sang était son petit coin préféré, là où il se posait et n'en bougeait plus. Opales, dressé sur ses quatre pattes, marchait fièrement, tel un prince. La tête dressée et haute, le regard fier et droit, il s'occupait d'entendre les chants forestiers sans même décrocher un mot. Ses yeux vairons balayant la surface de la terre, sans commentaire. Au dessus de lui, des écureuils sautèrent de branches en branches, seulement deux, se courant l'un après l'autre. Un jeu qui lui avait été familier avec ses frères et soeur il y a longtemps, mais le loup à présent avait cessé de jouer, il était un adulte responsable.. Ou pas.. Il n'aimait pas les responsabilités et les restrictions de l'adulte, d'où il traînait seul... Mais quelque chose, une nouvelle présence qu'il n'avait pas encore sentit vînt à lui effleurer les naseaux, comme une caresse..

Elle ne lui inspirait aucune confiance. Cette louve au pelage de neige était peut - être d'une beauté dont il ne douterait jamais, autant l'expression de cette dernière ne lui donna aucune envie de l'approcher. Des femelles, il en avait vu. Tellement qu'il les trouvait toutes semblables, remarquez, c'est peut - être ce que se disent les louves. Mais il se fichait bien de ce qu'elle pouvait penser. Egocentrique et surtout réellement égoïste pour ne pas voir ce que pensent ou ressentent les autres, alors comment voulez - vous qu'il s'intéresse à quelque chose qui ne le concerne pas ? L'esprit ailleurs, il se contenta uniquement de marcher jusqu'a une pierre couchée pour s'allonger sur cette dernière et étirer ses longues pattes. Si la louve souhaitait lui parler, elle devrait faire le premier pas car ce n'était certainement pas Opales qui engagerait la conversation. Trop fier une nouvelle fois. Le loup au pelage d'ambre se mit à lècher ses pattes, triturant ses griffes du bout des crocs en regardant pensivement devant lui. Il était peut - être un Hellchild, il n'en demeurait pas moins un canidé. Et puis.. Pourquoi pas après tout ? N'était - il donc pas de ce caractère embêtant, agaçant et irritant ? L'Hellchild se releva de son trône pour revenir se poster au pied d'un arbre et détailler la louve avec un fin sourire aux lèvres. Il n'y avait rien de pervers dans son regard, mais quelque chose de vicieux, comme s'il attendait quelque chose en retour. Il était vrai cependant que la soif tiraillait sa gorge sèche. Le sang était plutôt un liquide épais.

Alors il se redressa fièrement sur ses quatre pattes pour s'éloigner un peu afin de trouver de quoi s'abreuver. Tourner en rond était décidément devenu une habitude. Un sourire étirant ses babines, il parvînt à trouver un point d'eau dans une cavité entre deux rochers. Quelques coups de langue pour rafraîchir ses boyaux, puis il se releva, réprimant un frisson de surprise lorsque le vent vint à caresser sa fourrure dans le mauvais sens du poil, frôlant sa chair dans une attention désagréable. Ebrouant son pelage en se léchant le contour des lèvres, il se recoucha à même le sol pour regarder la louve de loin, ainsi, il pourrait la regarder en évitant des coups de pattes ou de mauvaises réprimandes. Faut - il encore dire qu'Opales a un tempérament exaspérant.. Sa queue de loup se mit alors à serpenter entre les herbes tel un reptile, lui - même ayant une langue de vipère quand il s'y met