Axe poussa un grognement furibond. Elle n'avait jamais aimé être à découvert. Sa principale qualité était son intelligence cotôyant celle des plus grands savants Humains, mais sa force physique était on ne peut plus déplorable. Tout juste nommée moucharde, la jeune Sakarite n'était même pas sortie de l'adolescence. Son aprentissage de cancre, son sourire carnassier et ses calculs si rapides, mais si pointus laissent derrière elle de profondes entailles dans sa meute. Elle se sentait à part, et savait qu'elel avait raison.

La jeune louve brune dévala la pente qui la menait sur cette terre aride, hostile. Que faisait - elle sur un territoire aussi laid, aussi dévasté ? Elle n'en savait rien. A vrai dire, même si elle le cachait, elle se passionait pour les histoires des différentes meutes, et la récente alliance entre les Devils et les Sakarites la laissait pantoise. Pourquoi allier deux puissances aussi phénoménales, mais surtout aussi différentes ? Si elle ressemblait aux Devils, ce n'était pas forcément le cas pour le reste de la meute, et elle ne voyait pas en quoi cela les aiderait ... Sans doutes les plus abrutis des conseillers pensaient - il que ça leur ferait un soucis en moins, de s'allier aux Devils ?

Axe ne savait même pas pourquoi ses pas l'avait conduite là. Elle était restée longtemps plongée dans ses pensées, et, enfouie dans les méandres de son intelligence si profonde, elle pensait avoir perdu un court moment contact avec la réalité. La terre était sèche, malgré les vents violents et les pluies fréquentes annonçant le passage d'été à automne. L'air était glacial, et la louve du désert frissonna. Elle se sentait souvent de trop, de ce monde dont la plupart des êtres étaient des abrutis ou des ignorants. Elle auait pu être une surdouée chez les chevaux, un puissant savant chez les hommes, mais non, elle était née louve. Sentant soudain une odeur fine, discrète, si tenue qu'elle ne l'avait jusque - là pas remarquée, Axe chercha vainement des yeux un endroit où se cacher. Elel bondit finalement, après une réfléxion d'à peine une demi - seconde, derrière un talus. Apercevant une fine louve portant l'odeur des Devils, Axe cracha au sol. Rencontrer un autre, il ne lui manquait plus que ça ! Cachant sa déception au plus profond de son coeur taillé en pierre lunaire, elle sortit silencieusement de sa cachette.

Axe pencha très légèrement la tête sur le côté. Un mouvement si infime qu'un être n'ayant pas son atention branchée sur elle depuis quelques minutes ne l'aurait même pas remarqué. Vu de l'extérieur, elle paraissait simplement peu bavarde, ses yeux sombres ne reflétant absolument aucune expression. Mais, à l'intérieur de son crâne, son cerveau bouillonait.

La louve Devil semblait avoir deux personnalités. Une maladie courante chez les loups du désert, que la petite - fille de Givre avait appelée un jour "schizophrénie". Etudier la maladie de cette louve pourrait lui faire faire un bond dans les avancées médicinales, peut - être même aider à guérir la maladie ... Mais Axe n'avait aucun envie de passer ses journées à pourchasser un spécimen si futile dans son pays natal, alors qu'elel pourrait passer ce temps à une quelquonque activité cent fois plus utiles, ou plus intéressante. Après tout, elel n'était pas atteinte, elle. Relevant fièrement la tête, elle étudia la Devil. Elle était fine, sans plus. Loin de l'état de minceur absolue d'Axe. Elle semblait avoir une personnalité douce et joyeuse, et une autre qui aurait pu la faire entrer dans cette secte qu'Axe répugnait tant, celle des "sanguinaires", à la limite du vampirella. Retenant un soupir de pitié, Axe balaya le sol de sa queue. Elell n'aimait pas parler, et, lorsqu'elle le faisait, c'était pour faire chanter, ou lâcher un cynisme. Or, là, même si elle semblait totalement maîtriser la situation, elle était un peu comme deux ronds de flancs. Aussi optâ-t-elle pour le cynisme.

" Tu le sais, pas vrai ? "

Axe, cette fois, ne cacha qu'à moitié son étonnement. Pour tout dire, et pourtant, ça ne lui arrivait pas souvent, elle était comme deux ronds de flan. Et la Devil n'en savait rien, en plus ? Pour l'une des premières fois, Axe ressentait un début d'attachement pour la louve, qu'elle devait pourtant considérer comme ennemie. Comment en vouloir à une personne qui pouvait changer radicalement de tempérament en une demi - seconde, sans même s'en rendre compte ? La pauvre pouvait tuer ses meilleurs amis avant d'hurler à la mort devant le carnage sanglant s'étalant devant ses yeux ... Axe retint un regard affectueux. Habituellement, elle n'aimait pas les gens, et elle ne voyait pas pourquoi elle érpouverait de la pitié pour une louve Devil, ausi malade soit - elle. Elle se leva, et regarda la Devil quelques instants. Elle la voyait gratter la terre. Ses gestes, d'abord doux et fins, devenaient vite violents, et le simple grattement devint vite le creusement d'une tombe pour la Devil qui faisait voler des mottes de terre derrière elle. Un petit os jaunis et portant encore quelques lambeaux de chair attira l'attention d'Axe, qui, avant même de savoir ce que c'était, détourna le regard. Parfois, son intelligence agissait sans elle, et il lui fallut une demi - minute avant de se rendre compte que ce n'était qu'un crâne, plus petit que la moyenne, sans doutes celui d'une proie. Alors que son intelligence, elle, l'avait deviné en une fraction de secondes. Même si elle rechignait à l'admettre, Axe allait finir par ressembler à cette louve qui, à présent, avait déjà les épaules au ras du niveau normal de la terre meuble. La Devil finirait sans doutes par commettre un acte déplorable pendant une phase de sa personnalité changeante, et elle .. Et elle, Axe, se retrouverait un jour victime de sa malice, emprisonnée par son intelligence trop exeptionelle au goût de ceux qui ne possédaient que des capacités normales. La louve avait à présent le poitrail au niveau de la terre, et elle semblait vouloir continuer de creuser. Sachant qu'elle était sans doutes dans une phase passagère, Axe ne déterra pas la question sur sa schizophrénie. Elle finit par se pencher au - dessus de la gueule béante dans le sol, et à demander :

" C'est quoi, ton nom ? "