Il fait chaud. Il fait chaud. Il fait chaud. Nan mais, il fait vraiment chaud hein ! Je pourrais le repéter en boucle pendant des heures tellement la chaleur est écrasante. Et je ne parlerais pas de l'humidité de l'air qui rend l'atmosphère encore plus écrasante. Il fait chaud. Ah non, je ne vais pas recommencer. En plus je devrais quand même commencer à m'y habituer, à cette chaleur. Cela fait quand même deux mois que je vis ici. L'ennui c'est qu'avec le printemps, la température augmente en même temps que ma résistance à la chaleur. J'aurais pas pu choisir un autre moment, hein. Imbécile de Cream Lost.

Je suis trempé de sueur. La raison en est très simple. Je viens de me livrer à plusieurs chasses fructueuses, mais qui m'ont amené à pas mal me dépenser, à courir à droite à gauche et qui, dans cette chaleur, m'ont épuisé. J'ai mangé ma dernière proie, un oiseau coloré ayant bien meilleur goût que je ne le pensais, et offert deux autres oiseaux de la même espèce à un Sakarite qui passait dans le coin, et qui avait faim. J'aime bien chasser les oiseaux, c'est un défi sans cesse renouvelé : ils peuvent facilement nous échapper par la voie des airs. Mais là, c'est justement trop sportif. La preuve, je viens de rater un okapi véloce, ayant sous-estimé ma fatigue musculaire. Je lui ai pas mal couru après - le vent avait décidé de me mettre des bâtons dans le roues, il s'est mis à souffler alors que je m'y attendais pas, et je me suis fait repérer - et, pas encore très à l'aise avec une végétation aussi touffue, j'ai vraiment galéré. Et j'ai bien dû admettre ma défaite. Je soupirais, un peu vexé malgré tout. Mais à présent, je saurais me ménager des temps de repos entre mes chasses, même si cela ne me plaît pas beaucoup... Pff. Saleté de soleil.

Je m'allonge sur un rocher à peu près plat et bien ombragé. Il est protégé d'un côté par un creux assez conséquent, semblable à un mini-précipice, aux bords - du côté de mon rocher - trop escarpés pour être gravis. Je baille à m'en décrocher la machoîre, et je commence doucement à m'assoupir. Je ne m'endors pas. Je m'ennuie. Je n'ai rien à faire. J'peux pas chasser. Une heure passe. Une seconde. Encore une autre. Je baille à nouveau. Le soleil poursuit sa course dans le ciel, indifférent. Moi aussi. Je rêve à un monde où le soleil ne taperait pas aussi fort, ou les forêts ne seraient pas pleines de lianes et où le vent soufflerait toujours du bon côté. Je m'ennuie, donc je rêve et ne fais plus très attention à ce qui m'entoure. Je me sens glisser un peu sur le rocher - qui n'est pas tout à fait plat, légèrement incliné. Je ne m'en occupe pas, et glisse encore un peu. Soudain, une odeur me tire de ma léthargie et quelque chose me chatouille le visage. Oh oh.

J'ouvre les yeux et me raidis, catastrophé. Cette odeur... Aaaaaah ! C'est bien ce que je pensais. Je sursaute violement et bondis en arrière. Un tigre ! Un tigre ! Je ne suis certainement pas de taille à affronter un de ces bestiaux ! Déjà que j'ai du mal avec des loups, étant donné que je suis incapable de me concentrer sur une bataille quelconque ! Le tigre plaque ses oreilles en arrière et rugit. Son cou s'avance, ses crocs cherchent à m'attraper, mais j'ai déjà sauté hors d'atteinte, en arrière.

En arrière. Une petite seconde. N'avais-je pas remarqué, précédement, que mon rocher - qui, à mons avis, avait déjà un autre propriétaire félin - était protégé sur un côté par une sorte de petit précipice ? Je me sens tomber en arrière. Si, il y a bien un petit précipice derrière le rocher. Je confirme, si, si, je confirme. Aaaaah ! Si je tombe dans cette position-là, je me casse le cou ! C'en est trop pour mes nerfs. Ils sont solides mais il y a des limites. Je me réveille pour apercevoir un tigre décidé à me faire la peau, et je l'évite de justesse pour tomber dans un splendide et magnifique trou. Du coup, je pousse un hurlement tout ce qu'il y a de plus catastrophé. Mais comment j'ai pu ne pas me rendre compte de l'approche du tigre, ni du fait qu'il venait souvent sur ce rocher - il y avait des griffures sur les arbres, mais je les ai oubliées - moi qui suis si attentif à ce genre de choses, en temps normal ? Je tombe. Cette chute me paraît curieusement longue. Je me contorsionne, et j'arrive à me retourner un peu pour jeter un coup d'oeil derrière moi. Nan. Nan, tout mais pas ça. Je pousse un second hurlement - au point où j'en suis, je n'en suis plus à un près - et m'enfonce dans une sorte de lit verdâtre. Des buissons. Pleins d'épines. Au moins ils ont amorti ma chute. Si je ne gémis pas de douleur, c'est uniquement parce que je suis à moitié assomé.

Et là haut, le tigre semble déçu de ne pas pouvoir se payer une descente de lit en peau de loup. Ah, ah. J'aurais presque pitié de lui s'il n'avait pas convoité ma peau à moi.