Oromis ne cessa de fusiller Saw du regard - au point que si le regard pouvait vraiment tuer, Saw serait déjà une sorte d'hyper-concentré de fantôme. Ses yeux mordorés pouvaient être très impressionants en tant normal, à cause de leur profondeur et de l'aura inquiétante qu'il dégageaient. Mais lorsqu'il était en colère, c'était bien pire. une lueur flippante s'allumait dans ses yeux, et leur intensité aurait fait hésiter un grizzli en colère. Oui, Oromis pouvait être très intimidant lorsqu'il était plein de fureur contenue. Les babines du mâle se relevèrent de quelques millimètres supplémentaires lorsque le loup noir eut le cullot de dire qu'il avait choisi une excellente planque - sur un ton aussi badin ! La tentation de lui sauter à la gorge devint si forte qu'Oromis fut sur le point de céder, mais il se calma en songeant qu'il n'allait pas briser des années et des années de self-control minitieux aussi bêtement.

" Tombé amoureux... d'une louve ? "

Bien sûr, pas d'un extraterrestre, imbécile. Oromis était bel et bien décontenancé, il ne s'était pas du tout attendu à ça. Et parmi toutes les réactions possibles qu'aurait pu avoir un célibataire endurci comme lui, il choisit sans doute la plus énervante de toute. Le mâle "rangea son arsenal" et se rassit face au mâle noir. Sa fourrure reprit son aspect normal, quoiqu'elle fut encore un peu en bataille - il n'était pas complètement calmé. Et Oromis s'adressa à Saw... d'un ton compatissant.

" Je te comprends, ce n'est pas trop grave alors. Tu as perdu la moitié de te neurones, dont celles qui pensaient à notre petit défi, du coup ça t'est sorti de l'esprit.. N'empêche, la prochaine fois essaye de consacrer une petite partie de tes neurones restantes à moi, d'accord ? "

Le mâle blanc-crème avait pris exactement le ton qu'on emploie envers les grand malades, ou les fous qu'on ne veut pas brusquer. Mais son regard resté un peu froid montrait que c'est en partie voulu - un calcul digne du plus retors des Devils, destiné à une sorte de petite vengeance personelle. Il était très irritant de voir les autres vous parler comme si vous alliez mourir d'une seconde à l'autre ou comme si vous étiez tellement dérangé qu'on ne prend même plus la peine de se soucier vraiment de ce que vous pensez.

Mais d'un certain côté, Oromis était parfaitement en phase avec ce qu'il avait dit : pour lui, tomber amoureux, ça équivalait à perdre la moitié de ses neurones - ou davantage. l'amour, c'est une science extraterrestre ultracompliquée qui peut vous exploser à la gueule à n'importe quel moment. A manipuler avec précaution... Et en plus, de son point de vue, on n'en tire rien. Mais enfin, il l'acceptait, quand ça arrivait, comme quelque chose auquel on ne pouvait rien y faire. Comme quelque chose de désagréable qu'il fallait bien supporter - les démangeaisons à la pousse de la fourrure d'hiver, par exemple. Saw aurait fort à faire s'il voulait le faire changer d'idée, ne serait-ce qu'un peu.

" Ecoute, comme je te considère comme mon ami, je ne t'abandonnerai pas. "

Cette fois, il avait pris un ton plus sérieux, en regardant le mâle noir droit dans les yeux. Là encore, on avait l'impression que Saw était atteint d'une maladie dangereuse voire potentiellement contagieuse, et qu'Oromis faisait un grand sacrifice en acceptant de s'exposer au danger. D'ailleurs, du point de vue du mâle blanc-crème, ça n'était pas loin de la vérité.