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| Sujet: Les Enfants de la Nuit. ( LiBRE - Accouchement d'Abercrombie ) 20.10.09 21:17 | |
| Ce qui se dit la nuit ne voit jamais le jour. Nietzsche. Beaucoup de choses se disent la nuit. Beaucoup de mots tendres, de pensées inavouées, de secrets enfouis. Des promesses, aussi. Des promesses destinées à n'être jamais tenues. Dans l'obscurité de la nuit, à l'abri du jugement de la raison, les langues se délient, les coeurs s'ouvrent et les âmes jouent à cache-cache au milieu des ombres. On joue, on triche. Les règles sont bafouées sans que personne ne le fasse remarquer, comme d'un commun et implicite accord. On s'éloigne, on se perd. On rit. L'espace de quelques heures, plus rien n'a d'importance, on peut bâtir des projets sans fin et tendre la patte pour attrapper la lune. Sous la lumière folle des étoiles la tête tourne et les rêves -les mensonges- se font la courte échelle vers la voûte affreuse qui permet tous les vices.
La jeune louve haletait, le souffle rauque. Son sang bouillait dans ses veines. Son coeur hurlait d'une rage silencieuse tandis que l'odeur du sang montait dans l'air. C'était normal, cette odeur ? A vrai dire la louve n'en savait rien. A vrai dire, la louve s'en fichait. Autant qu'elle se fichait bien d'écraser des milliers de pauvres brins d'herbe chaque jour. D'ailleurs, ce n'était pas si étonnant que cela : la révolte avait poussé la jeune inconsciente à planter ses crocs dans sa patte avant droite. D'où l'odeur du sang. D'où la douleur qui occupait délicieusement ses pensées, les éloignant de ce qui faisait véritablement mal. Celle de l'esprit. Celle de cette âme superbement vexée, hargneuse et vengeresse. Depuis des jours et des jours, la louve ne cessait de cracher sur ces souvenirs, refusant d'affronter la vérité en face. Elle n'avait même pas songé à s'occuper du liteau qui aurait dû l'abriter en ce moment même, comme si une part d'elle-même croyait encore à un mauvais cauchemar : comme si ce qui avait été prévu la nuit ne devait jamais voir le jour... Et pourtant les crampes l'avaient prise. Effondrée à même le sol chaotique de la forêt de la perdition, vulnérable, exposée -faible-, elle serrait les crocs alors que l'inévitable lui sautait aux yeux. Alors, la louve poussa un hurlement. A quoi bon ? Qui viendrait la voir ? Sa mère, autrefois, serait sûrement venue. Mais sa mère était morte. Ses frères, sa soeur ? Peut-être, elle l'espérait secrètement mais n'y croyait pas. La jolie louve ferma ses yeux d'or afin de retenir les larmes de rage et de détresse qui menaçaient de troubler son mystérieux regard. Il faisait nuit, comme lorsque cette ordure l'avait... violentée. Stupides illusions gamines. Quels que soient les horribles secrets que la nuit calme poussait à filer discrètement, ils voyait toujours, toujours, le jour. |
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